Iftou

PORTRAITS ET PARCOURS

Iftou a 28 lorsqu’elle arrive aux Fioretti. Elle est originaire d’Ethiopie mais vient du Liban ou elle a passé plusieurs années captive comme esclave domestique. Sa fuite l’a conduite en France et à Pau, nous l’avons reçu au jardin quelques mois après, sous le choc.

Elle se rend au jardin tous les matins, de façon très régulière. Au début il est possible d’échanger dans un anglais approximatif mais suffisant pour se comprendre. Elle ne sait ni lire ni écrire, et commence par prendre un cours de français par semaine avec Brigitte. Petit à petit, l’équipe du jardin, les bénévoles, tout le petit peuple a fini par bien la connaître et l’apprécier. Pour son calme, sa gentillesse, sa bonté d’âme mais aussi sa grande intelligence et efficacité dans les activités. Elle s’est en outre révélée très assidue au cours de français. Alors nous lui avons proposé un deuxième créneau. Puis un troisième en cours particulier. Puis un quatrième sous le même format. Iftou s’est mise au français avec une énergie exemplaire et a rapidement fait des progrès énormes. En quatre mois environ, elle savait lire et écrire. Encore un peu difficilement, mais ce n’était plus qu’une question d’entraînement.

En parallèle elle s’est intégrée au groupe, nous pouvions échanger beaucoup. D’abord en anglais mais rapidement le français a pris le dessus.
Et elle a énormément apporté au jardin :  les boutures et semis, l’entretien minutieux des zones de cultures, les plantations et tailles de framboisiers, quelques tâches de bricolage, de cuisine et surtout le terrain était tenu et rangé de façon impeccable.

Vu son passé, presque tout ce qu’elle faisait avec nous constituait une “première fois”. Première fois de sa vie qu’elle visionne un film : nous avons projeté entre midi et deux les bronzés font du ski. Coup double : première fois qu’elle entend parler du ski. Premier cadeau de Noël : un manteau rouge doublé d’une fourrure qu’elle a mis, dans sa coquetterie toute nouvelle, un temps infini à trouver sur Vinted.fr. Première fois qu’elle fait du vélo. Première fois qu’elle fait le tour des vignobles du jurançon avec un groupe du jardin. Et puis surtout, Iftou s’est mise à sourire de plus en plus, même à rire et à s’essayer à certaines blagues. Etait-ce la première fois ? Peut-être pas mais ce plaisir a dû être enfoui longtemps… Première fois qu’elle goûte au foie gras et au magret lors de notre repas de Noël, première fois qu’elle apprend à utiliser des outils électriques, visseuses, perceuses : le début de l’émancipation ! Mais abrégeons, la liste est tellement longue…

Quelques mois plus tard, l’heureuse nouvelle tombe enfin : sa demande d’asile est acceptée ! C’est une grande joie au jardin, nous fêtons cela au restaurant : première fois qu’elle va au restaurant, première fois qu’elle se fait servir…

Ce titre de séjour tout neuf offre la promesse d’une vie “normale” (si cela existe), en tout cas en sécurité et en liberté. C’est le fameux statut de réfugié.

Et les plantes fleurissent dans la beauté.